Performance présentée le 28 mars 2013 lors du vernissage de l'exposition "OOZ" organisée dans le cadre du programme de recherche "La Chair de l'animal", coordonné par Valérie Boudier et Gilles Froger.
Galerie Commune du département Arts plastiques de l'Université Lille 3 et de l'ESÄ, Tourcoing.
L'installation-performance Jour de ponte a été présentée le 28 mars 2013 en marge de l'exposition "OOZ", événement organisé du 28 mars au 12 avril 2013 par la formation Arts plastiques de l'Université Lille 3 et l'ESÄ (École Supérieure d'Art) de Tourcoing dans le cadre du programme de recherche « La Chair de l'animal » proposé par Valérie Boudier et Gilles Froger.
I) Genèse d'un projet : les expérimentations.
L'idée de cette performance est née suite à la réalisation d'une série de trois vidéos mises en scène et montrant une technique pour extraire un jaune d’œuf cru à partir d'un œuf entier congelé. Cette technique permet de garder la forme originale du jaune d’œuf telle qu'elle est à l'intérieur de celui-ci, sans passer par l'étape de la clarification traditionnelle de l’œuf qui casse sa sphéricité. Cette série intitulée Séparer les blancs des jaunes a été réalisée en août 2011 (voir les trois vidéos suivantes).
I) Genèse d'un projet : les expérimentations.
L'idée de cette performance est née suite à la réalisation d'une série de trois vidéos mises en scène et montrant une technique pour extraire un jaune d’œuf cru à partir d'un œuf entier congelé. Cette technique permet de garder la forme originale du jaune d’œuf telle qu'elle est à l'intérieur de celui-ci, sans passer par l'étape de la clarification traditionnelle de l’œuf qui casse sa sphéricité. Cette série intitulée Séparer les blancs des jaunes a été réalisée en août 2011 (voir les trois vidéos suivantes).
Ces vidéos mettent donc en avant une technique brute et non appliquée à une recette. Par conséquent, il a ensuite naturellement été question de cuisine, c'est-à-dire de transformer ces jaunes d’œufs obtenus au moyen de cette technique de clarification via congélation en des mets cuisinés. Après plusieurs tests et dégustations avec des amis, j'avais rédigé la recette suivante pour accompagner les vidéos :
"Jaunes d’œufs frit (pour 4 personnes) :
- 8 œufs
- chapelure
- basilic
- sel
- poivre
- huile
Séparez les blancs des jaunes à l'aide d'une des trois méthodes présentées dans les vidéos Séparer les blancs des jaunes I, II et III ou bien à l'aide de votre propre méthode. Récupérez les 8 jaunes d’œufs, bien ronds et encore congelés.
Mélangez la chapelure avec le basilic, le sel et le poivre. Roulez les jaunes d’œufs dans la préparation afin de les paner.
Plongez-les dans l'huile frémissante (mais non bouillante) de quelques instants à quelques minutes afin que les jaunes cuisent et dorent. Adaptez la cuisson selon vos préférences (les jaunes peuvent être plus ou moins coulants à l'intérieur).
Dégustez chauds, accompagnés d'une sauce de votre choix ou dans une salade.
Variantes :
- La recette peut être réalisée avec d'autres épices.
- Les jaunes d’œufs frits peuvent être présentés sur de petites piques à brochettes."
Immédiatement s'est posée la question de la présentation des ces images, de cette recette et de ce qu'allait devenir ce type d'expérimentations réalisées dans un cadre privé avec des proches. Bien évidemment, ces vidéos ont été mises en ligne sur le web mais, sans aucune dégustation possible, ce travail était condamné à rester à l'état de projet.
II) Concrétisation du projet : la performance.
En 2012, lors de ma première année de Doctorat, j'ai suivi le séminaire "La Chair de l'animal" à l'Université dont le propos était d'analyser différentes approches de l'animalité dans l'art, la littérature et le cinéma. C'est dans ce cadre que j'ai trouvé une réponse à mes interrogations. J'ai alors imaginé une mise en scène pour mettre en valeur cette technique et cette recette, laissant de côté la vidéo et me tournant vers l'installation et la performance.
Suite à de nombreuses interventions d'artistes, de chercheurs et à une journée d'étude, deux expositions autour de ce thème ont été organisées à la Galerie Commune. C'est lors du vernissage de la seconde exposition intitulée "OOZ", le 28 mars 2013, que j'ai présenté l'installation-performance Jour de ponte devant la galerie. Sur une durée de deux heures, temps du vernissage, l'installation mettait en scène cet aliment qu'est l'œuf, et cette technique de clarification via congélation, adaptée des différentes expérimentations réalisées en amont et illustrées par la série de vidéos. Au-delà de cet aspect technique, il s'agissait plus concrètement de mettre en scène l'élaboration de bouchées cuisinées de jaunes d'œufs panés puis frits.
L'installation était composée de deux tables, disposées bout à bout dans le sens de la longueur et recouvertes d'une nappe jaune-orangée, couleur rappelant celle du jaune d’œuf. Sur celles-ci étaient placés les différents ustensiles de cuisine nécessaires à la réalisation des ces jaunes d'œufs frits organisés dans un sens de lecture allant de gauche à droite selon le point de vue du spectateur. Ce dernier pouvait regarder l'élaboration de cette recette de A à Z et suivre les différentes étapes de la réalisation : l'écalage des œufs congelés, la dissolution du blanc d’œuf congelé dans une eau tiède, la récupération du jaune d’œuf encore congelé (se dissolvant beaucoup plus lentement), le panage du jaune d’œuf dans une chapelure assaisonnée au préalable et la friture du jaune pané dans l'huile. Au bout de la seconde table, à la fin donc de ce processus de cuisine mis à jour, était disposée une gouttière en plastique d'environ deux mètres de long, inclinée en direction d'une table basse recouverte de la même nappe, et sur laquelle était posé un saladier en verre. Une fois une sphère de jaune d’œuf panée frite, je la la faisais rouler le long de la gouttière et celle-ci tombait dans le saladier. Le spectateur était ensuite invité à se servir et à déguster une bouchée.
Portant des combinaisons jetables d'ouvriers, nous étions trois acteurs à cuisiner. Amandine Valay, Agathe Renard et moi-même, de gauche à droite, nous nous occupions chacun d'étapes précises de la recette. Ce complément de mise en scène permettait d'interroger la forme que prennent les chaînes de production industrielles tout en proposant une chaîne de production d'un produit réalisé de manière artisanale. Ce travail réalisé à partir de l’œuf allait également dans ce sens : on sait combien la production des œufs de consommation constitue un problème lié au bien-être des poules et qu'il existe plusieurs catégories réglementées par différents cahiers des charges en ce qui concerne les méthodes d'élevage en batterie, en cage, en plein air ou bio.
Au-delà du fait que le spectateur pouvait manger, ingérer une partie d'une proposition artistique présentée telle une offrande (la dimension monnayable des mets étant absente de cette proposition), l'installation permettait de mettre à jour un protocole de recette et un processus de création culinaire, le plus souvent caché du public dans les cuisines d'un restaurant, en déplaçant l'acte de cuisinier vers l'espace de la galerie d'exposition, ouvert sur le public. Jouant avec la forme des démonstrations culinaires que font certains cuisiniers lors de salons ou d'événements particuliers, il s'agissait également de présenter la technique utilisée pour l'élaboration de cette recette originale, cette technique et les gestes qui en découlent se trouvant en décalage par rapport aux codes traditionnels de la cuisine. Habituellement, pour clarifier un œuf, on ne passe pas par la congélation ou alors, si la congélation intervient dans le processus, c'est pour conserver des blancs et des jaunes déjà séparés et jamais un œuf entier dans sa coquille.
Au final, l'important était de créer une distance par rapport à la technique de préparation d'un œuf frit en cuisine, technique qui existe mais qui consiste à paner et à frire un œuf déjà cuit dur. Cette prise de distance a également été rendue possible grâce à une approche artistique, plasticienne, de la cuisine qui, bien qu'amateur (il ne s'agissait pas de réaliser un plat étoilable), trouve des objectifs et un public différents de ceux d'un cuisinier de métier. En effet, la temporalité et la spatialité de cette performance sont différentes de celle de la cuisine appliquée à la restauration : cette technique prend du temps, est mise à jour au public dans un espace ouvert, a été créée et concrétisée par des amateurs et n'avait pas pour but la réalisation d'un plat cuisiné abouti et commercialisable. Tout cela ne correspondrait pas aux attentes traditionnelles d'un client, qui souhaite manger et en avoir pour son argent, ou d'un cuisinier, qui tente de satisfaire ce client et de rentrer dans ses frais. Ainsi, à partir d'une contrainte technique fixée dès le départ, cette proposition de cuisine plasticienne permettait d'instaurer du jeu dans une pratique plus normée de la cuisine.
III) Retour sur l'expérience.
à venir.